Le Château
Le tief de Montigny-sur-Avre, au début du 16° siècle, était tenu par une famille de MEZIERES; en 1547 Marie de MEZIERES épouse Hugues de LAVAL-
MONTMORENCY. Leur petit-fils, Hugues, épouse : Michelle de PERICARD. Ils
avaient dans le vieux manoir dont un dessin a longtemps existé à Québec et dont l’emplacement est peut-être simplement celui du château actuel. Ils ont construit en style ogival l’église actuelle dédicacée en 1610. Après eux est venu leur fils, Louis-Hercule-Timoléon, duc de BRISSAC le fidèle, lieutenant-général le 16 octobre 1791, chef de la garde constitutionnelle de Louis 16, massacré à Versailles le 9 septembre 1792.
Pour taire bonne mesure, comme il avait recueilli Madame du BARRY, sa tête fut jetée dans le parc de Louveciennes. Sa fille vint après lui, mariée au duc de MORTEMART, mais Montigny, bien national, fut vendu en Vendémiaire an 5. A vrai dire, les BRISSAC, qui possédaient quelques autres manoirs ne semblent pas s’être beaucoup occupés de Montigny, ce qui expliquerait l’absence presque complète de décoration à l’intérieur du château.
Au début de l’Empire Montigny appartint au maréchal Louis BARAGUEY d’HILLIERS, Comte de l’Empire et Gouverneur de Venise. Un grand plan de 1800 donne la situation générale de la propriété à cette époque ; le château et ses communs v sont encore entourés d’un trapèze de douves en eau ; le parc à la française, conçu vers 1700, n’a pas été modifié,
BARAGUEY d’HILLIERS n‘en profite guère ; il meurt à Berlin en 1813, à 49 ans ; sa veuve, une allemande de Mayence, vend Montigny, probablement en 1815, à un Monsieur de MALART qui le conserve 23 ans. La VARENDE, son parent, écrit quelque part que MALART, totalement désargenté, avait toujours à l’écurie un cheval sellé pour fuir ses créanciers ; ce manque d’argent, malheureusement, ne l’empéchait pas d’appliquer au domaine ses regrettables conceptions ; il a Né les douves, et comblé celle qui longeait l’arrière du château, détruit le parc à la francaise et créé la serpentine actuelle, planté de futurs grands arbres dans la cour d’honneur ; dans le château, il a supprimé les petits carreaux et staffé les poutres.
Au terme de ces travaux, le 8 Janvier 1838, MALART a vendu le domaine à Achille PORRIQUET et Catherine RAGOULEAU son épouse, mes trisaïeuls. Achille PORRIQUET , d’une famille de juristes parisiens, était Conseiller à la Cour de Cassation ; à la recherche d’une propriété, il avait hésité entre Montigny et Sassy,
Montigny, depuis cette date, n’a plus changé de mains; le domaine appartient actuellement à la Comtesse Tanguy de LA BOURDONNAYE-BLOSSAC, et à sa fille, la Comtesse Pol de LA BOUDONNAYE.
J’ai peu parlé des dépendances ; les pavillons d’entrée datent sans doute de 1730, les cuisines, à poutres apparentes, remontent peut être à Gabriel de LAVAL. Mais si dans mon enfance, les plats atteignaient encore bien chauds la salle à manger après 50m. de couloir, comment se serait fait le service entre cette cuisine et le “3 pièces »? J’en viens à me demander si Joseph DUREY de SAUROY n’a pas simplement repris en grand projet des LAVAL abandonné faute de ressources.
1. HISTORIQUE
1 – Un manoir pré-existant ?
Bien qu’aucune source bibliographique ou iconographique ne nous renseigne sur l’état précédant la construction du château, une note historique rédigée par François Garnier, frère de la Comtesse Tanguy de la Bourdonnaye-Blossac, évoque un manoir pré-existant à l’emplacement du château actuel. Ce manoir aurait été détruit autour de 1700 par Gabriel et Louise de Laval-Montmorency, pour y construire un château.
Cette note historique cite également une description de 1728 :
« Le château et principal manoir dit lieu de Montigny, bâti à la mansarde, se consistant en trois chambres basses, un escalier et trois chambres hautes du nombre desquelles est celle vers la rivière, tant du haut que du bas restée imparfaite ; étant un corps de logis vaste sans plancher.»
(extrait de l’acte d’achat du château par Joseph Durey de Sauroy).
2 – Un château normand attribué à François Mansart
Si nous n’avons pas la certitude que cet édifice soit de la main de François Mansart, plusieurs éléments d’architecture permettent de penser qu’il s’agit d’un édifice signé par celui-ci, ou de son inspiration, datant probablement des années 1640 :
L’utilisation de grands frontons en plein-cintre ; percés de baies
• La mise en oeuvre de grandes toitures à combles, soulignant chaque corps de l’édifice
• Les vestiges de dessin de tables sur certains enduits
• L’alternance de lucarnes de dessins différents
• L’emplacement de l’escalier caché en façade
• L’enŒée traversante
• La présence des deux escaliers actuels comme escaliers de services latéraux
• le plan des ailes, corps de bâtiment en quart de cercle concave
• Une composition en plan masse très dessinée, l’Avre et les communs en trapèze cadrant la vue sur la façade sud du château
• Une symétrie parfaite des façades du château
• L’emploi d’un jeu de polychromie : ardoise, brique et enduit
• L’usage de briques sur-cuites dans le calepinage des maçonneries de briques
Une comparaison avec des œuvres de François Mansart datant des années 1630- 1650 permet de conforter l’hypothèse d’une parentée ou d’une influence (egliseNoŒe-Dame-des-Anges, château de Balleroy, château de Maisons).
3 – XVIIIe siècle :
La carte de Cassini, seule iconographie du XVIIIe siècle à notre disposition, donne quelques informations sur les dispositions de Montigny autour des années 1760 :
• Montigny est écrit en lettres romaines droites, typographie utilisée pour les bourgs ou villages. Le symbole qui lui est associé, une tour couronnée d’un simple mdt, encadrée de deux corps de bâtiments plus bas, dont l’un d’eux également couronné d’un mät, semble correspondre, d’après l’interpétaôon de la légende de la carte faite par l’EHESS, soit à une paroisse avec château (mais l’absence de croix en couronnement infirme cette hypothèse) ou un bourg avec château.
• Montigny semble être relié à une Garenne ou un bois par une allée bordée d’arbres. En comparant la carte de Cassini avec la cartographie actuelle, cette allée pourrait être celle, toujours existante, menant au bois de Montigny.
• A l’est de Montigny, l’Avre est divisée en trois bras. à l’ouest, on remarque la présence de plusieurs moulins à eau sur l’Avre. Là encore, la comparaison avec la cartographie actuelle permet de confirmer l’emplacement du château par rapport au cour de l’Avre.
• D’après l’historique établi par François Garnier, c’est Joseph Durey de Sauroy qui porte le château à ses dimensions actuelles, entre 1728 et 1733.
• 1796 : Le château aurait été vendu comme bien national (note historique de F Garnier)
4 – XIXe siècle :
• 1809 : le château appartient au général Louis Baraguey d’Hilliers (1764- 1813), comte de l’empire et gouverneur de Venise.
Le plan géométral de la terre de Monôgny-sur-Avre, daté de 1809, constitue le premier relevé du domaine à notre disposition.
En comparant celui-ci avec le plan de l’état actuel, on remarque certaines persistances :
• plan du château
• pavillons d’entrée
• le granges de la basse-cour
• le pigeonnier
• le pont au-dessus de l’Avre
• une partie des allées de l’avant-cour reliant le château au bois de Montigny
• une partie des allées de la cour d’honneur
• le cour de l’Avre
• un mur d’enceinte au nord de la basse-cour Certains éléments semblent avoir disparus :
• une partie des écuries
• une aile en retour des communs
• une partie des allées de la cour d’honneur
• les aménagement du parc au nord du château
Enfin, certains éléments présents dans ce plan interrogent : constituent-ils des éléments projetés, jamais réalisés ? Ont-ils existé ?
• le pont au pied de la façade nord du château
• les douves nord et ouest, et le canal reliant cette douve au canal d’irrigation nord
• le bassin en demi-cercle faisant face au canal reliant le Avre à l’allée du Larrys
• le jardin entourant le pavillon du Larrys
• 1820 : toujours d’après la note historique établie par François Garnier, le château de Montigny sur-Avre aurait été vendu, à la suite de la mort de L .Baraguey d’Hilliers, au Comte de Malard. Un plan de 1820, conservé au château, et établi pour le «Comte de Malard» le confirme.
Le plan du jardin pittoresque du Château de Montigny-sur-Avre, daté de 1820, semble être un plan de projet pour
l’aménagement du parc en jardin à l’anglaise, commandé par le Comte.
En comparant ce plan avec l’état actuel, on remarque que certaines dispositions ont été réalisées et sont toujours présentes aujourd’hui :
• Le cour d’eau reliant l’extrémité ouest du canal bordant le nord du parc au Avre au pied de la façade nord du château, et les deux bassins artificiels qu’il alimente
• Une partie des murs d’enceinte du parc à l’ouest
• un chemin longeant le canal au nord du parc le pont d’entrée des communs en façade ouest
Par ailleurs, on retrouve le dessin de pont au pied de la façade nord du château, déjà présent sur le plan de 1809. S’agit-il du dessin d’un état existant, ou un état projeté jamais réalisé ?
1837 : Le cadastre napoléonien apporte quelques informations sur les aménagements paysagés réalisés après les interventions du Comte de Malart:
• les limites ouest du domaine prennent leurs dispositions actuelles
• extension de l’aile nord des granges de la basse-cour
• disparition de l’aile sud en retour des communs ?
• 1820-1866 : la carte de l’état major, réalisée entre 1820 et 1866, semble représenter un état du parc précédant les aménagements du jardin pittoresque du Comte de Malard. Bien que manquant de précision, on y distingue le dessin d’un canal reliant le pied de la façade nord (et les anciennes douves nord?) au canal d’irrigation bordant le parc au nord.
Par ailleurs, on remarque sur place l’interruption du mur d’escarpe sur une partie de la berge au nord de la façade
nord. Pourrait-il s’agir de la largeur de la douve nord, comblé pendant les aménagements de Malard, ou plus tardivement ?
XXe siècle :
• 14 octobre 1963 : classement au titre des Monuments Historiques des parties suivantes :
• façades et toitures du château
• façades et toitures des communs et pavillons d’entrée
• douves
• grille
• cour d’honneur
• parc et allée du Larry
• travaux effectués durant les années 2000 (travaux d’entrefien, MOE architecte des bâtiments de France) :
• 2002 : restauration de menuiseries extérieures
• 2003 : restauration de la toiture du pavillon est
• 2004 : restauration de la grille d’entrée, restauration de menuiseries extérieures
• 2005 : restauration de la toiture du pavillon ouest, restauration du mur bahut de la grille d’entrée
• 2006 : restauration des 6 fenêtres de la façade nord des communs
• 2007 : restauration des menuiseries des pavillons d’entrée, mise en peinture de la grille
• 2008 : entretien et mise en peinture de menuiseries
• 2009 : remplacement de 5 fenêtres des lucarnes sud du château
• entre 1974 et 1989, restauration des toitures, lucarnes, et maçonneries hautes (corniches, souches de cheminées) en tranches successives, sous la maitrise d’œuvre de Guy Nicot, Architecte en Chef des Monuments Historiques.
Synthèse :
Une composition architecturale :
Il n’existe pas à ce jour de source permettant d’établir une dataÖon précise de la construction de ce château, ni d’attribuer sa conception à un architecte.
L’étude du plan masse, de l’implantation des différents édifices et de l’aménagement du parc nous indiquent pourtant qu’il s’agit d’un projet de composition : les pavlllons d’entrée, l’implantation des communs et le cour de l’Avre formant le plan trapézoïdal de la cour d’honneur et cadrant la vue vers la façade sud du château, composée elle-méme dans une symétrie parfaite, sont autant de témoins de la réflexion autour d’un projet d’ensemble.
L’aménagement du parc au nord (le plan de 1809 montre un canal reliant la façade nord au canal d’irrigation bordant le parc au nord, et formant une symétrie avec le cours de l’Avre à l’est, cadrant ainsi la façade nord du château), et les tracés du grand paysage (l’allée plantée menant au bois de Montigny au sud) traduisent également ce travail de composition.
L’attribution à François Mansart:
Si l’attribution de la construction du château de Montigny-sur-Avre à François Mansart ne peut être prouvée, l’influence de l’architecture de celui-ci se retrouve dans de nombreux gestes architecturaux du château, évoqués plus haut
Le projet se caractérise aussi par sa simplicité apparente, et son économie : pas de mise en oeuvre en pierre de taille, pas de décor et de sculpture, peu d’aménagements extérieurs…) la richesse de cette architecture se trouve dans des détails de mise en oeuvre : les éclats de terre-cuite et de chaux dans les enduits, le tracé de tables sur ceux-ci, les jeux de briques sur-cuite, le décor fausse-brique sur les pierres d’angle des corniches…).
C’est la rencontre entre l’influence – si ce n’est la main – de l’architecture de François Mansart et la simplicité de la mise en oeuvre qui sont la richesse de ce château, qui pourrait ëtre daté des années 1640, quand bien méme sa construction s’est prolongée pendant près d’un siècle, surtout pour les aménagements intérieurs.
Ouverture :
• Quelle-est la chronologie exacte de la construction du château ?
• Qui en est le maitre d’oeuvre ?
• Une construction pré-existait-elle sur cet emplacement ? S’agissait-il d’un manoir ?
Ces pistes de réflexion pourront être approfondies lors des phases d’étude et des chantiers de restauration du château. La réalisation d’investigations complémentaires lors de ces phases, de sondages, d’essai de dataôon des matériaux (dendochronologie notamment), sont autant de moyens d’approfondir la connaissance de l’histoire du château de Montigny. anches successives, sous la maitrise d’oeuvre de Guy Nicot, Architecte en Chef des Monuments Historiques.